Muse de Jonathan Galassi

Jonathan Galassi, Muse, Fayard, Littérature étrangère, Paris, 2016

museVoici un roman sur les éditeurs, les écrivains et les livres, écrit par un éditeur amoureux de son métier : quand on nous conte l’amour des mots, on ne peut qu’apprécier, n’est-ce pas ? Ce livre est un ovni, une petite pépite qui nous conte admirablement bien ce monde élitiste et fascinant, avec ses imperfections et ses moments de grâce.

Paul Dukach est très différent de sa famille et aime lire par dessus tout. Il aime particulièrement une poète, Ida Perkins, de qui il a tout lu, sur laquelle il pense tout savoir après ses nombreuses recherches. Quand il décide de travailler dans l’édition, il souhaite plus que tout travailler avec Ida. C’est pourtant chez Purcell & Stern, un des derniers éditeurs indépendants de New-York, qui ne publie pas à son grand dam la poète, qu’il est embauché. Il côtoie son président atypique, un homme fort en gueule du nom de Homer Stern. Celui-ci lui apprend tout : parier sur un roman, s’en sortir au sein de la grande foire de Francfort, amadouer les écrivains. Mais Ida reste dans l’esprit de l’éditeur, qui est publiée par le plus grand rival d’Homer, et non moins ami. Quand il cherche à décrypter le dernier manuscrit du dernier époux d’Ida, il va découvrir des secrets qu’il ne soupçonnait pas sur son auteur favori qui va ébranler le petit monde de l’édition.

Quel roman ! Que Jonathan Galassi soit le président des éditions Farrar, Staus et Giroux ne nous étonne guère tant on sent une maîtrise parfaite du sujet. Il nous dépeint un monde éditorial plein de faux semblants, de petites manigances, de copinage. Un monde si petit que tout le monde se connaît, tout le monde est plus ou moins lié. Où pour publier un livre, il faut faire attention aux susceptibilités de tout ce petit monde. Où il fait bon de trinquer toute la nuit lors du salon de Francfort et nécessaire d’assumer ensuite les achats impulsifs de manuscrits. Mais tout en pointant du doigt les petits travers d’un monde élitiste, il en montre son côté fascinant, ses anecdotes truculentes, et nous y fait entrer le temps de cette lecture pour notre plus grand bonheur.

Si les 100 premières pages peuvent être un peu éprouvantes, elles sont nécessaires à la suite de l’ouvrage. C’est en effet à ce moment-là qu’il situe bon nombre de personnages, d’auteurs et d’éditeurs. Il nous conte la vie mouvementée de l’auteur fétiche de Paul, Ida Perkins – par ailleurs totalement inventée par Jonathan Galassi – ses multiples maris, ses écrits, ses rencontres, ses relations avec son éditeur, etc., le tout savamment mélangé avec des personnalités ayant réellement existé, créant ainsi un flou et une barrière mouvante entre réalité et fiction. On y croit d’autant plus, cela donne une aura de vérité et nous conforte dans l’idée que l’auteur n’a pas tout inventé dans son récit.

Mais l’auteur fait bien plus que nous entraîner dans le monde fabuleux de l’édition, il nous donne surtout envie d’en savoir plus sur Ida Perkins. Le mystère qui l’entoure crée un suspens qui sous-tend le récit et nous donne envie d’en découvrir au plus vite la fin. On tourne les pages avec une rapidité déconcertante, on est emporté par la jolie plume de Jonathan Galassi, on passe d’une époque à une autre, on suit les transformations qui touchent le monde de l’édition et les investigations de Paul Dukach avec un intérêt grandissant au fil des pages.

Auteurs, agents, éditeurs, numérique, Amazon – sous un autre nom – vous saurez tout sur le monde éditorial ! Jonathan Galassi rend un bel hommage à ce monde de l’édition fascinant, élitiste, inaccessible.

Petite mise en garde : à ceux qui ne sont pas dès le départ intéressés par le monde des livres, vous vous ennuierez peut-être un peu et n’y trouverez peut-être pas votre compte. A bon entendeur !

Pour les autres, tous les curieux et amoureux des livres, des mots et du monde éditorial, foncez sur ce fabuleux roman !

Ma note : 5/5

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